L'histoire de l'eau L’histoire de l’eau et celle des hommes La recherche de points d’eau a longtemps mobilisé les énergies et les civilisations sont nées sur le cours des grands fleuves. Des porteurs d’eau, à la distribution de l’eau potable à domicile, des aqueducs romains aux usines modernes de traitement des eaux, de la répartition empirique des usages de l’eau par les différents corps de métier à la gestion rationnelle et institutionnalisée des ressources… la conquête de l’eau par l’homme fut longue ; elle a suivi et structuré l’évolution des sociétés humaines. L’histoire de l’eau, c’est aussi celle de la découverte de la molécule H2O, de ses multiples propriétés et de leurs applications techniques et pratiques. C’est enfin, la maîtrise et l’étude, grâce aux progrès de la science, des étapes de son cycle éternel. Histoire d'un cycle Les principes de déroulement du cycle de l’eau sont, aujourd’hui, parfaitement connus mais il aura fallu plusieurs siècles avant d’en percer tous les mystères. Les théories de l'Antiquité Élément hautement mythologique, l’eau fascine les penseurs grecs et latins par le caractère mystérieux de son cycle naturel. Ainsi, Platon (428 - 348 av JC) et Aristote (384 - 322 av JC) s’interrogent-ils sur la capacité des seules précipitations à entretenir le cours permanent des fleuves. Ils présument par ailleurs que c’est l’eau de mer qui, en pénétrant dans le sol et en remontant à sa surface, entraîne la formation d’eau douce. Aristote s’interroge également sur la nature de l’eau. Sa théorie est admise jusqu’au XVIIe siècle. L’eau fait selon lui partie, avec le feu, la terre et l’air, des quatre éléments de base de la matière. Il attribue à chacun d’eux des caractéristiques fondamentales : froid, sec, chaud et humide qui, combinées deux à deux forment ces quatre éléments et composent ainsi l’ensemble de l’univers. Il nie l’existence du vide associé à la discontinuité de la matière, théorie développée un peu plus tôt par Démocrite (460 - 370 av JC) qui avançait l’idée selon laquelle la matière était formée de vide et d’unités indivisibles (le mot "atome" vient du Grec "atomos" qui signifie : indivisible). Les découvertes des temps modernes À la Renaissance, Léonard de Vinci (1452 - 1519) est sans doute le premier à remettre en cause la théorie aristotélicienne du cycle de l’eau, qu’il compare à la circulation sanguine du corps humain. Bernard Palissy (1510 - 1589), dans son "discours admirable de la nature des eaux et fontaines" en donne quant à lui, une interprétation extrêmement proche de la réalité. Pierre Perrault (1613 - 1688), frère du conteur, effectue des mesures de précipitations, d’évaporation et de perméabilité dans le bassin de la Seine. Edmé Mariotte (1620 - 1684) démontre ensuite que la pluie ne se contente pas de ruisseler en surface, mais qu’elle s’infiltre dans les couches poreuses du sol pour constituer les nappes souterraines. Edmond Halley (1656 - 1742), astronome britannique, homme de la comète, remarque que les évaporations de la Méditerranée sont équivalentes aux précipitations sur ses pourtours. En 1743, le mathématicien Alexis Clairaut (1713 - 1765) et Georges Buffon (1707 - 1788) mettent en évidence que "le cycle de l’eau ne peut être qu’atmosphérique". Il apparaît alors que c’est bien la même eau qui circule partout…recyclée sans cesse depuis plus de 3 milliards d’années… Au XIXe siècle, les progrès de la géologie – particulièrement l’étude des eaux souterraines – et de la météorologie donnent naissance à l’hydrologie moderne. Mais il faut attendre le début du XXe siècle pour mettre au point des mesures hydrologiques incontestables et établir les connexions qui s’imposent entre eau douce et eau salée, nuage et pluie, évaporation et condensation. Histoire de la distribution d'eau Les civilisations antiques maîtrisent un certain nombre de techniques hydrauliques complexes. Au Moyen Age ce savoir est exploité et enrichi principalement par les abbayes. Mais les villes qui connaissent un développement important qui ne doit rien à la planification, finissent bien souvent par rencontrer des difficultés pour leur alimentation en eau. Panorama des civilisations antiques Bâties autour du Nil d’une part, du Tigre et de l’Euphrate d’autre part, les civilisations égyptienne et mésopotamienne expérimentent très tôt l’hydrologie, tournée principalement vers l’irrigation. On trouve la trace des premiers puits en Mésopotamie en - 6000 av J.C. les premiers barrages apparaissent en Egypte. Au VIIe siècle av JC, Nabuchodonosor entreprend la construction des jardins suspendus de Babylone. Le chadouf, première machine élévatrice apparaît au IIIe millénaire en Mésopotamie. En 700 av JC, le roi assyrien Sennachérib se fait construire à Ninive un palais desservi par de l’eau de montagne acheminée par un canal de plus de cent kilomètres en pierre étanchéifiée avec du goudron. Les sites de Mohenjo-Daro et Harappa, témoignages de la civilisation de l’Indus (– 2 500 à - 1 500), révèlent l’existence de maisons équipées de douches et de latrines, d’un réseau d’égouts, ainsi que de piscines. En 2500 av JC les Crétois mettent au point les premiers ouvrages d’adduction d’eau avec des tuyaux en terre cuite amenant l’eau dans les maisons. Le palais de Cnossos, par exemple bénéficie de l’eau courante et est équipé de fontaines, de salles de bains avec baignoires en terre cuite ainsi que de latrines. Durant la période hellénistique, les Grecs inventent le système du siphon inversé qui permet aux adductions de franchir les vallées. On attribue à Archimède (287 - 212 avant JC) l’invention de la vis comme élément de relevage de l’eau. Au VIe siècle avant JC, Tarquin l’Ancien équipe Rome de son premier égout. En – 312, l’aqueduc Aqua Appia amène l’eau dans la ville au moyen de canaux maçonnés. Les Romains exploitent et améliorent sans cesse les inventions des peuples qu’ils conquièrent. Au milieu du premier siècle av JC, ils adaptent ainsi la noria, sorte de roue à godets servant à élever l’eau, dont le premier exemple connu fonctionnait chez Mithridate, roi du Pont, l’actuel Bosphore. À la fin de l’Empire, on recense 11 aqueducs d’amenées, gérées par une administration très importante. Histoire de l'eau courante en France De la période gallo romaine, il reste de très beaux témoignages de la distribution de l’eau dans les villes. Lyon conserve des vestiges des 250 kilomètres d’aqueducs qui au Ier siècle avant JC, acheminaient quotidiennement vers la capitale des Gaules 80 millions de litres d’eau. Le Pont du Gard, un des ouvrages du réseau d’alimentation de Nîmes, atteste de façon spectaculaire de la maîtrise technique des Gallo-Romains vis-à-vis de la distribution d’eau, tout comme les thermes de Cluny à Lutèce témoignent de leurs excellences de confort. Nombre d’ouvrages sont détruits ou endommagés lors des invasions barbares. Au Moyen Age, nul château fort, monastère, ferme ou village, ne saurait s’installer loin d’un point d’eau. Les moines cisterciens en particulier, s’illustrent dans la maîtrise des techniques hydrauliques. Mais l’essor urbain de la seconde partie du Moyen Age, engendre des difficultés d’approvisionnement nouvelles. Les bourgs attirent une population toujours plus importante, l’alimentation en eau des familles se dégrade tant au plan de la qualité que de la quantité et les principes d’hygiène en viennent à être négligés. En fait, dans les villes, bien avant les particuliers, ce sont les activités artisanales qui commandent l’utilisation de l’eau. Les teintureries et les mégisseries par exemple, s’installent au bord des cours d’eaux, qu’elles souillent afin d’effectuer toutes les opérations nécessaires à leur pratique. Parallèlement, les sources locales deviennent insuffisantes et les puits sont souvent corrompus par les infiltrations. L’absence de réseau d’égouts ne fait que renforcer ce cercle vicieux. Aller à la fontaine est une corvée quotidienne pour les ménages les plus modestes. Les autres, moyennant finance, peuvent se faire livrer à domicile par les porteurs d’eau. Cependant, bien avant l’avènement des hygiénistes, nombreux sont ceux qui s’intéressent à l’amélioration de l’état de salubrité des populations et rêvent d’une eau saine dans toutes les maisons. Mais les villes manquent de moyens financiers pour effectuer l’aggiornamento complet de leur système d’approvisionnement. Au début du Second Empire cependant, l’arrivée d’Haussmann à la préfecture de Paris agit comme un accélérateur. La capitale se lance dans de grands travaux et à sa suite l’ensemble des villes réexaminent leur alimentation en eau. Histoire des traitements de l'eau Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, Pasteur fonde la microbiologie. Son affirmation : "nous buvons 90 % de nos maladies", institue une nouvelle définition de l’eau potable et ouvre la voie aux traitements. En 1863, Pasteur découvre l’existence de micro-organismes qu’on nommera plus tard les microbes. Les phénomènes de putréfaction et de fermentation étaient jusque-là considérés comme des opérations purement chimiques. Pasteur démontre qu’elles sont causées par des êtres vivants et qu’à chaque fermentation correspond une catégorie de microbe particulière. D’autre part, ceux-ci ne naissent pas spontanément, mais leurs germes sont éparpillés dans l’atmosphère et se déposent avec les poussières. L’avènement de la microbiologie a des conséquences immédiates et futures incalculables. En matière d’hygiène publique elle change radicalement la perception du propre et du sale. Elle se traduit par des mesures sanitaires rigoureuses, notamment en matière de distribution des eaux. Longtemps, le jugement sur la qualité d’une eau s’est fondé sur des critères organoleptiques. Des notions empiriques font préférer au Parisien du XVIIIe siècle l’eau de Seine qu’il juge bonne parce qu’ "aérée" par le courant du fleuve. Avec Haussmann, il est rapidement convaincu de la supériorité des eaux de sources, claires et inodores. Et il est vrai que les épidémies reculent. Cependant avec les découvertes de Pasteur, on comprend qu’une eau fraîche, limpide et sans saveur n’est pas forcément bonne à boire. À partir de cette idée se développent les traitements de désinfection. En 1885, est créé le premier indice de qualité de l’eau. A l'origine la filtration Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle étaient apparus des filtres domestiques. Un inventeur, Amy, commercialisa à Paris des fontaines filtrantes individuelles sur couche de sable et éponges. Durant tout le XIXe siècle, différents modèles sont proposés au public, dont le filtre Chamberland inventé en 1881 qui rencontre un grand succès. À la fin du XIXe siècle l’ébullition apparaît comme le moyen le plus sûr d’éliminer les microbes. Mais ces procédés ne peuvent s’appliquer qu’à de petites quantités et supposent du moins pour les premiers, un entretien rigoureux. Or l’apparition des réseaux de distribution et l’augmentation des consommations amènent les élus à réfléchir à des systèmes de filtration centralisés. D’autant qu’à partir de la fin du XIXe siècle, l’augmentation des besoins consécutive de l’arrivée de l’eau dans les habitations, conjuguée avec un afflux de population vers la capitale, nécessite de compléter encore le volume des ressources et de réintroduire régulièrement de l’eau de Seine dans le réseau domestique. À l’échelle collective, Paris, avait à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, équipé ses fontaines publiques de systèmes de filtration. Des projets d’installation de bateaux filtrants sur la Seine avaient été présentés à la même époque. Mais à la fin du XIXe siècle, ces proudés ne sont plus adaptés. Or le principe de grands bassins filtrants sur sable ou charbon est connu depuis l’Antiquité. En Italie, on peut encore admirer, au palais des ducs d’Urbino, édifié au XVe siècle, un système assez important de terrasse-jardin recueillant les eaux de pluies, traitée ensuite sur des filtres à charbon. À cet égard, les Anglais redécouvrent au milieu du XIXe siècle, la filtration sur sable et la généralisent pour les eaux de la Tamise. Des visites dans des installations britanniques ne convainquent cependant pas les édiles Français. L’exemple d’une installation défectueuse dont s’est équipée la ville de Castres confirme leur jugement négatif. Mais À la fin du siècle, Humblot, successeur de Belgrand à la direction du service des eaux de Paris, après avoir mené ses propres observations, estime que la technique de la filtration a progressé et qu’elle est satisfaisante. C’est sans doute l’épidémie de choléra de 1892 et l’adaptation efficace du procédé par la Générale des Eaux dans son exploitation de la banlieue qui convainquent la ville d’adopter la filtration lente. En 1896, Paris construit des bassins filtrants dans son usine de Saint Maur qu’elle convertit en usine d’eau potable, alors qu’elle produisait jusque-là de l’eau réservée au service du nettoyage des rues. En 1900, l’installation d’Ivry subit la même transformation en prévision de l’Exposition Universelle. La situation sanitaire de Paris s’améliore, mais les années 1898, 1899, 1900 subissent chacune une épidémie de fièvre typhoïde. Pourtant les procédés de filtration progressent. En 1898, Saint Maur fait précéder la filtration en elle même d'une décantation. En 1900, ces décanteurs sont remplacés par des préfiltres. Le procédé Anderson, éprouvé par la Générale des Eaux dès 1890 en banlieue de Paris améliore encore très sensiblement la qualité des eaux traitées. Cependant, sa mise en œuvre s’avère trop délicate et il n’est pas retenu par d’autres exploitations. Il s’appuie sur la coagulation des particules en suspension, par ajout de sels de fer. Les réactions annexes provoquées par le métal dépassent le simple procédé physique. Cette méthode oubliée préfigure les procédés contemporains de traitements. L'avènement des techniques de désinfection Au cours du XIXe siècle, l’idée de l’utilisation de produits chimiques pour purifier l’eau se développe. L’iode, l’acide citrique, les permanganates sont efficaces pour éliminer les microbes et bactéries, mais sont le plus souvent cantonnés à des applications médicales. Cela est dû à leur prix élevé, mais aussi de la répugnance du grand public vis-à-vis de l’emploi de produits chimiques dans l’eau. L’hypochlorite de sodium, oxydant connu depuis le XVIIIe siècle est également utilisé comme désinfectant en médecine ou pour blanchir le linge. Koch démontre en 1881 qu’il détruit le germe responsable du choléra. Or son utilisation est aisée, on peut en produire facilement sur place et à bas prix. De surcroît, on découvre qu’il a un effet rémanent dans les canalisations. La première chloration des eaux de Paris a lieu en 1911. Le spectre des épidémies est désormais écarté. L’emploi de chlore gazeux ou verdunisation mis au point pendant la première guerre mondiale permet de réduire les doses utilisées et donc d’améliorer le goût. La ville de Nice quant à elle, fait à partir de 1907 un autre choix pour désinfecter son eau, avec l’ozonation. Le gaz ozone, puissant oxydant, est produit à partir d’ozoneurs, selon une technique mise au point par Maurice Paul Otto. Ce procédé connaît un succès certain. En 1909, Paris, choisit d’en équiper l’usine de Saint Maur. Mais après-guerre, l’augmentation du prix de l’électricité et la relative complexité du procédé font que l’ozone perd du terrain au plan industriel. Il réapparaîtra dans les années 1950. Le chlore quant à lui s’impose définitivement. Aujourd’hui encore, 99 % des unités de production d’eau potable l’utilisent. Histoire de l'assainissement des eaux usées Au fur et à mesure de leur croissance, l’évacuation des eaux usées pose des difficultés techniques et surtout matérielles de plus en plus aiguës aux villes. Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour qu’une politique volontariste de construction d’infrastructures s’impose. L’idée des traitements des eaux usées est plus longue encore à se mettre en place. fleches/fb_3 En général fleches/fb_3 L'exemple de Paris Histoire du service public de l'eau en France Recevoir l’eau chez soi est longtemps un luxe. Aller à la fontaine est une corvée quotidienne. Une première expérience de distribution d’eau à domicile est tentée au XVIIIe siècle, mais il faut attendre la deuxième moitié du XIXe pour que ce principe s’impose véritablement. De l'Antiquité jusqu'au XVIIIe siècle La Rome antique qui distribuait de 300 à 900 litres par jour à chacun de ses citoyens, avait développé une importante administration pour gérer les 11 aqueducs, les 247 châteaux d’eau, les 967 bains publics, les 144 latrines publiques ou encore les trois grands égouts que comptera la cité à la fin de l’Empire. Cependant, on ne parlait pas encore d’"eau à tous les étages". La distribution à domicile restait une faveur particulière accordée par l’Empereur. Dans les grandes villes Françaises du Moyen Age, l’eau n’est pas aussi abondante et sa gestion est plus aléatoire, mais cela ne signifie pas que les souverains s’en désintéressent. Très tôt apparaît l’idée d’une protection de ce besoin de première nécessité. Un édit de 360 punit d’une amende importante quiconque salirait ou corromprait par ses immondices les eaux d’une fontaine. L’idée de service public apparaît également dans de nombreux documents. En 1392 Charles VI, révoque par lettres patentes tous les branchements privés qui se sont établis plus ou moins licitement sur le débit des fontaines de Paris amoindrissant ainsi les quantités disponibles pour le reste de la population. Le roi indique à leur propos que, à l’exception de ses hôtels et ceux des princes de sang : "voulons et déclarons estre de nul effects, comme empétrées et obtenues par importunité, et contre le bien publique de nostre dicte ville de Paris…". Dans des lettres patentes de 1608 Henry IV déclare "préférer le bien et l’utilité public à la commodité des particuliers". Comme à Rome, le bénéfice d’une dérivation particulière est normalement le fait d’un privilège du souverain, pourvu, bien entendu que la source appartienne au domaine royal. En réalité, la politique des souverains oscille constamment entre la possibilité d’accorder des privilèges et le désir de satisfaire les besoins de la population. Les autorisations sont donc souvent supprimées unilatéralement au moment des sécheresses par exemple. Bien qu’il s’agisse du domaine royal, les échevins de la ville de Paris exigent également régulièrement des bénéficiaires qu’ils présentent leurs titres pour remédier aux abus et supprimer les concessions des particuliers tombés en disgrâce. En 1598, Henri IV accorde la première concession moyennant finance. Louis XIV dans son édit de 1694 portant règlement pour les sources et fontaines, choisit de légaliser les branchements de fait, moyennant le paiement d’une redevance. A la veille de la Révolution Il faut attendre 1781, pour voir à Paris la première expérience de service public de l’eau à domicile se concrétiser. Par lettres patentes de février 1777, les frères Périer, ingénieurs mécaniciens obtiennent du Roi l’autorisation : "d’établir et de faire construire à leur frais des machines à feu pour élever de l’eau de la Seine, et la conduire dans les différents quartiers de la ville de Paris, pour être distribuée aux porteurs d’eau dans les rues et dans les maisons aux particuliers, corps et communautés qui en désireront au prix convenu de gré à gré entre eux et les suppliants. De faire construire à leurs frais dans tous les lieux qui seront jugés convenables, des fontaines de distribution, pour faciliter à un prix modique l’approvisionnement des petits ménages et des particuliers qui ne jugeront pas à propos d’avoir chez eux des réservoirs. De placer sous le pavé tous les tuyaux de conduite, trappes, regards, puisards, robinets, et de faire toutes les constructions nécessaires à la perfection de l’établissement proposé par les suppliants." Un bulletin de souscription est édité : les abonnés recevront quotidiennement 260 litres d’eau environ. Ils seront livrés dans des réservoirs situés au bas des maisons. Le financement d’un réseau intérieur et d’un système de remontée de l’eau dans les étages que propose la société reste à leurs frais. Les frères Perier ne disposent pas de l’argent nécessaire à la réalisation d’un tel projet, c’est pourquoi ils créent l’année suivante une société qui prend le nom de Compagnie des Eaux de Paris. Son prospectus de présentation aurait été rédigé par Beaumarchais, administrateur lui-même. L’auteur y explique sa vocation de service public : "L’entreprise des machines à feu, pour donner à la ville de Paris autant d’eau qu’elle en peut consommer dans tous les cas possibles, a moins été, dans le principe, une spéculation d’intérêt qu’un grand acte de courage et de patriotisme.". La première pompe est installée en 1781 en face du Palais-Bourbon ; la seconde est inaugurée en 1788 au Gros Caillou. La société connaît malheureusement rapidement des déboires financiers. Les abonnements sont insuffisants compte tenu des investissements engagés. Outre le prix des tuyaux, le fonctionnement des machines nécessite une grande quantité de combustible. Surtout, les fontaines marchandes établies principalement pour apaiser la remuante corporation des porteurs d’eau, dissuadent beaucoup de Parisiens d’établir l’eau courante chez eux. Quand ils s’abonnent, il est très rare qu’ils investissent pour faire monter l’eau à l’étage. Les domestiques alors obligés de porter les seaux sont donc également hostiles à cette innovation. D’autre part l’entreprise des frères Périer, essuie beaucoup de reproches quant à la qualité de l’eau distribuée. Les machines sont en effet toutes deux situées en aval du débouché d’un égout. Mirabeau, "embauché" comme pamphlétaire par les adversaires du projet écrit à ce propos : "c’est verser son pot de chambre dans sa carafe". La polémique entretenue par Mirabeau et la spéculation dont elle fait l’objet achèvent la Compagnie des frères Périer. En 1788 l’entreprise en faillite, est reprise par la ville. Sous le Second Empire Cependant, le système mis en place par les frères Périer perdure. En 1853, à l’arrivée, d’Haussmann à la préfecture de Paris, on recense 7 633 abonnements dont 6 229 pour des maisons d’habitation, soit un immeuble sur 5. Quant aux pompes à feu, elles sont dans un parfait état de marche. Mais la qualité exécrable de l’eau qu’elles refoulent justifie leur démantèlement en 1852 et 1853. Pour le nouveau préfet de Paris, il s’agit en effet non seulement de fournir "l’eau à tous les étages" mais encore, une eau de qualité. Ainsi s’exprime-t-il dans ses mémoires : "Fournir en abondance de l’eau salubre aux diverses parties de la ville et l’y distribuer avec régularité jusque sur les points culminants est un tel bienfait que les travaux accomplis dans ce dessein comptent parmi les actes considérables des souverains les plus glorieux, et tiennent une place durable dans la mémoire des hommes". Dès son entrée en fonction, la réorganisation de l’alimentation en eau de Paris et la construction de son réseau d’égouts est donc le chantier prioritaire d’Haussmann. Plusieurs projets soutenus par différents groupes financiers sont bientôt présentés à Napoléon III. Parmi eux, celui du comte Siméon, propose de prendre en concession l’alimentation et la distribution d’eau pour l’ensemble de la ville. Haussmann et l’Empereur décident cependant de conserver ce service en régie. Si les démarches du comte Siméon et de ses amis n’aboutissent pas pour Paris, elles convainquent en revanche les édiles lyonnais, eux aussi désireux d’améliorer la distribution de l’eau dans leur ville. En 1853 est créée la Compagnie Générale des Eaux. Elle se voit confier la concession de l’alimentation et de la distribution de l’eau de Lyon. L’année suivante elle contracte avec Nantes. Ces premiers contrats seront suivis de bien d’autres, dont un certain nombre avec des petites villes de la banlieue de Paris. Entre temps, Haussmann a réussi à convaincre le Conseil Municipal de s’engager dans d’importants travaux destinés à alimenter la capitale en eaux de sources captées loin de Paris. En 1865, un premier aqueduc est achevé, neuf ans plus tard un deuxième entre en fonction. Les eaux d’excellente qualité et abondantes sont recueillies dans de grands réservoirs situés sur les hauteurs de Paris, ce qui permet d’alimenter gravitairement l’ensemble de la ville. Désormais même dans les étages élevés, il est possible de recevoir l’eau à domicile. Ce progrès radical dans les normes de confort et d’hygiène s’accomplit certes de façon progressive, mais toutes les villes de France vont désormais vouloir s’équiper. Or si Paris peut financer de tels projets, la plupart des cités de province ne le peuvent pas. Le recours au financement privé s’avère indispensable. La Compagnie Générale des Eaux crée en 1853 possède déjà ce savoir–faire. D’autres sociétés entrent bientôt dans la concurrence, parmi elles, la Société Lyonnaise des Eaux et de l’Eclairage fondée en 1880. De ce mouvement s’opère un fort développement de la gestion déléguée et la naissance de l’industrie Française de l’eau. L’assainissement des communes qui se développera plus lentement bénéficiera également du savoir-faire juridique et technique de ces sociétés. Au XXe siècle communes rurales en sont dépourvues. Il faut attendre les années 1980, pour que l’ensemble de la population bénéficie de l’eau potable à domicile. Cette généralisation va de pair avec le développement des sociétés de service d’eau et l’émergence de nouvelles compagnies. La SAUR est ainsi créée en 1933. 99 % des Français disposent désormais de l’eau à domicile. Seule une très faible part d’entre eux continue d’utiliser des ressources privatives (puits, sources). L'eau, mythes et symbolique L’image de l’eau occupe dans notre inconscient une place à part. Elle véhicule et se nourrit de fonds mythologiques profonds, de mythes littéraires et surtout de symboliques religieuses qu’elles soient pré-chrétienne ou découlant des trois principales religions monothéistes. Ces éléments culturels forment des strates complexes. Et l’évocation du produit le plus vulgarisé provoque toujours des réactions confuses ou paradoxales. A l'initiative du C.I.EAU, Jules Gritti, sémiologue, docteur en Histoire de la philosophie et observateur aigu du monde contemporain a entrepris une étude sémiologique autour du thème de l'Eau. Aujourd'hui décédé, ses travaux ont été repris par l'une de ses élèves, Mariette Darrigrand, sémiologue, qui en a fait une synthèse en s'appuyant sur les écrits de quatre écrivains et chercheurs, Gaston Bachelard, Gilbert Durand, Brigitte Caulier, Patricia Hidirouglou. L’eau est un composé chimique ubiquitaire sur la Terre , essentiel pour tous les organismes vivants connus. Le corps humain est ainsi composé à 65 % d’eau (pour l'adulte, et 75 % chez les nourrissons) et chez les embryons de 3 jours 94 %. L’eau se trouve en général dans sonétat liquide et possède à température ambiante des propriétés uniques : c’est notamment un solvant efficace pour la plupart des corps solides trouvés sur Terre. l’eau est quelque fois désignée sous le nom de « solvant universel. Pour cette raison,l’eau qu’on trouve sur Terre n’est qu’exceptionnellement un composé chimique pur. La formule chimique de l’eau pure est :H2O . L’eau « courante » est une solution d' eau et de différents sels minéraux ou d'autres adjuvants. Les chimistes utilisent de l'eau distillée pour leurs solutions, cette eau étant pure à 99 %, il s'agit d'une solution aqueuse . L'expression « solvant universel » est sujette à maintes précautions, les cailloux, les roches étant, par exemple, non-solubles dans l'eau dans la plupart des cas (ou de manière infime). Près de 70 % de la surface de la Terre est recouverte d’eau (97 % d’eau salée et 3 % d’ eau douce dans différents réservoirs), essentiellement sous forme d’océans mais l’eau est aussi présente sous forme gazeuse, vapeur d’eau, liquide et solide. Ailleurs que dans les zones humides plus ou moins tourbeuses ou marécageuses , dans les mers et océans, l'eau est présente dans les lagunes, lacs, étangs, mares, fleuves, rivières, ruisseaux, canaux, réseaux de fossés ou de watringues … ou comme eau interstitielle du sol. La circulation de l’eau au sein des différents compartiments terrestres est décrite par le cycle de l'eau . En tant que composé essentiel à la vie, l’eau a une grande importance pour l'Homme (voir géopolitique de l'eau pour plus de détails). Source de vie et objet de culte depuis les origines de l'homme, l'eau est conjointement, dans les sociétés d'abondance comme la France, un produit de l'économie et un élément majeur de l'environnement. L’eau joue un rôle majeur dans les cycles de l’oxygène et du carbone, et le climat.